Date de publication : 06 novembre 2025
Dans une société hyperconnectée, de nombreux salariés sont submergés par un trop plein d’informations et de sollicitations. Selon une étude du CAS (Centre d’Analyse Stratégique) le mal est profond car l’accumulation de courriers électroniques est devenue la principale source de stress pour les travailleurs. Il apparaît que les Français ne consacrent pas moins de 100 jours par an à les lire et à les traiter ! On appelle ce phénomène «l’infobésité» contraction des mots « information » et « obésité ». Par analogie à la maladie due à un fort surpoids, l’infobésité désigne une surcharge informationnelle, c’est à dire une « situation dans laquelle une personne est noyée par une quantité excessive d’informations, au point où cela devient difficile à gérer et à traiter ».
Cette infobésité envahit notre existence tant personnelle que professionnelle et ce phénomène ne fait que s’accroître avec les smartphones et autres tablettes. Le flux est tel que nous n’arrivons plus à hiérarchiser les données que nous recevons.
Les dangers dus à l’infobésité :
Le risque de saturation
En raison de l’hyperconnexion (SMS, messagerie instantanée, intranet, réseau d’entreprises) nous recevons plusieurs dizaines voire des centaines de sollicitations quotidiennement. Ces interruptions sont sources d’une perte de temps considérable car il est démontré qu’il faut, en moyenne, plus d’une minute pour reprendre le fil de notre pensée. Pour y faire face de nombreuses personnes ont recours à une pratique dite « multi tâches » qui consiste à effectuer plusieurs choses simultanément, comme écrire un mail tout en échangeant au téléphone. Mais cette mauvaise habitude est épuisante et réduit les performances : elle multiplie le risque d’erreurs et empêche une bonne mémorisation.
La paralysie décisionnelle
Si une information optimale est nécessaire pour prendre des décisions, un excès d’informations peut avoir l’effet inverse. Ce phénomène, appelé paralysie décisionnelle, conduit à une incapacité à trancher face à des données trop nombreuses ou contradictoires. Trop d’informations brouillent le jugement, augmentent la peur du risque et paralysent le processus décisionnel. Ce phénomène est connu sous le nom de « paradoxe du choix : plus les options sont nombreuses, plus la décision devient difficile et insatisfaisante. L’infobésité conduit ainsi à une véritable forme de tétanie mentale.
Le risque de mélanger vie professionnelle et personnelle
De nombreux salariés, toujours sur le qui-vive, restent connectés en permanence (WE et vacances comprises), par peur d’être jugés négativement, de paraître désengagés ou simplement par habitude. L’essor du télétravail et des outils collaboratifs (Teams, Slack, etc.) renforce cette porosité entre les sphères privée et professionnelle.
Les études montrent que plus de 30 % des salariés consultent encore leurs outils numériques professionnels hors temps de travail, malgré la loi de 2017 sur le droit à la déconnexion, qui reconnaît le droit de ne pas répondre aux sollicitations en dehors des horaires contractuels.
La dégradation du sommeil
Un Français sur deux dort avec son smartphone allumé à proximité du lit. Ces personnes sont incapables de résister au son d’un vibreur ou à un mail nocturne. En outre, la lumière bleue des écrans retarde la production de mélatonine, l’hormone du sommeil réduisant ainsi sa qualité de 20 % en moyenne. Des études (National Sleep Foundation, 2023) montrent que les personnes qui éteignent leur téléphone 1 heure avant le coucher améliorent leur sommeil de 30 %. Ce manque de repos se traduit par une baisse d’attention, une fatigue chronique et une diminution de la performance. Il est à l’origine de nombreuses erreurs de l’aveu même de salariés concernés.
Le stress au travail
L’infobésité peut générer une véritable souffrance au quotidien. Lorsqu’un salarié se sent submergé par le flot d’informations qui lui arrive en continu, il entre en phase de stress qui peut se manifester par une angoisse constante, une inquiétude, un sentiment de frustration, d’impuissance, voire de culpabilité. C’est particulièrement vrai chez les managers, sans cesse sollicités, qui finissent par souffrir de surinformation. Ils se sentent prisonniers dans une urgence généralisée car le traitement de ces mails vient s’ajouter à leurs tâches premières et nuit à leur concentration. Le trop plein de mails devient un facteur de stress et d’épuisement qu’il ne faut pas négliger. On parle alors de « pénibilité numérique » et les managers constatent que cette situation ne fait qu’empirer.
Comment y faire face :
La bonne nouvelle, c’est que l’on peut combattre l’infobésité. Des actions simples associées à une véritable discipline personnelle permettent de reprendre le contrôle.
Avant tout, il faut abandonner la prétention de tout savoir et de tout suivre en temps réel : cette quête d’exhaustivité est illusoire. Limiter les sources d’information au strict nécessaire aide à mieux comprendre et à mieux traiter les messages reçus — c’est un premier pas vers la sérénité.
La solution passe aussi par un « régime informationnel » : c’est-à-dire qu’il faut limiter le nombre d’informations en sélectionnant soigneusement les applications et les réseaux sociaux que nous utilisons. L’objectif n’est pas de se couper du monde, mais d’en filtrer les excès. Quelques réflexes simples peuvent aider :
Définir deux ou trois créneaux fixes dans la journée pour consulter ses e-mails ;
Désactiver les notifications en dehors de ces plages ;
Classer les messages selon leur urgence ou leur importance.
Le sevrage passe aussi par le respect du droit à la déconnexion. C’est impératif pour protéger sa vie privée. Depuis 2017, ce droit doit être inscrit dans les conventions de travail. Un salarié a le droit de ne pas répondre aux sollicitations professionnelles en dehors de son temps de travail. Certaines entreprises innovantes instaurent d’ailleurs des journées sans e-mails afin de favoriser le dialogue direct entre collègues et de réduire le volume d’échanges inutiles. Ces initiatives redonnent du sens à la communication et améliorent la compréhension mutuelle.
Enfin, mais est-il nécessaire de le rappeler, ne dormez pas avec votre portable à portée de main.
Conclusion
L’infobésité nuit à la fois à la performance des organisations et au bien-être des individus. En apprenant à gérer l’information, à en doser la quantité et à en privilégier la qualité, vous protégez votre santé mentale autant que notre efficacité collective.
Combattre l’infobésité n’est pas un luxe, un c’est impératif de notre époque numérique.