Faire les travaux soi-même pour faire des économies peut devenir une fausse bonne idée

Date de publication : 22 septembre 2025

La décision de réaliser soi-même des travaux de construction ou de rénovation peut s’avérer risquée, surtout si vous envisagez de vendre votre bien dans les dix ans suivant la fin des travaux. On vous explique pourquoi et ce que vous devez savoir pour éviter les mauvaises surprises.

Introduction

Face à la flambée des prix des matériaux et du coût de la main-d'œuvre, nombreux sont les propriétaires qui décident de se retrousser les manches. Rénover sa maison seul ou avec l’aide d’un proche semble être une solution économique, flexible, voire gratifiante. Mais derrière cette apparente bonne affaire se cache une responsabilité juridique lourde, souvent ignorée du grand public : la garantie décennale.

Que dit la loi ?

La garantie décennale s’applique à toute personne qui construit ou réalise des travaux sur un ouvrage immobilier, y compris les particuliers. En effet, l’article 1792 du Code civil stipule que « toute personne qui construit ou réalise des travaux sur un ouvrage est responsable pendant 10 ans des dommages pouvant affecter sa solidité ou le rendre impropre à sa destination ». Ainsi, la loi assimile le particulier à un « constructeur » dès qu’il réalise des travaux lourds (fondations, extension, toiture, électricité, plomberie, salle de bain, cuisine, aménagement des combles ou de sous-sols, suppression ou modification d’un mur porteur, etc.). En conséquence, le vendeur est responsable de ses travaux et doit, à ses acheteurs, une garantie décennale. Et cela même s’il a vendu en toute bonne foi.

Quand commence et quand finit la garantie ?

Cette garantie court à partir de la réception des travaux (c’est-à-dire la date à laquelle les travaux sont considérés comme terminés et acceptés), et non à partir de la date de vente du bien.

Mais, contrairement à un chantier réalisé par un professionnel, il n’y a pas, pour des travaux réalisés par un particulier, de "réception formelle" et la jurisprudence considère que la réception est tacite et correspond au moment où les travaux sont achevés et que le bien est habité ou utilisé sans réserve.

Responsabilité financière et juridique

Si des malfaçons sont constatées dans les dix ans suivant la réception des travaux, l’acquéreur peut exiger des réparations ou une indemnisation. Les coûts peuvent être très élevés, parfois supérieurs au prix de vente du bien, et engager votre responsabilité personnelle. L’absence d’assurance décennale peut donner lieu à « des situations très problématiques ». La responsabilité est engagée dès la réception des travaux, et aucune clause dans l’acte de vente ne peut y déroger.

Pourtant, contrairement aux professionnels, les particuliers ne peuvent pas souscrire une assurance responsabilité décennale classique. Ils peuvent, tout au plus, souscrire une assurance dommages-ouvrage. Sauf que la plupart de ces derniers l’ignorent, ou estiment ne pas en avoir besoin car ils ne prévoient pas de vendre. Pourtant les aléas de la vie peuvent les y contraindre. Prenons un exemple très courant de nos jours : « un couple divorce cinq ans après avoir rénové sa maison. La vente du bien est suivie, un an et demi plus tard, d’une action en justice des nouveaux acquéreurs : la suppression d’une structure semi-porteuse a provoqué un fléchissement de poutre. Le couple vendeur, considéré comme constructeur, doit assumer les frais de réparation, parfois supérieurs au prix de vente».

Bien que non obligatoire pour les particuliers, l’assurance dommages-ouvrage permet de couvrir les frais de réparation des malfaçons et d’éviter des litiges longs et coûteux. Mais cette solution est onéreuse, complexe à mettre en place et n’est pas systématiquement proposée par les assureurs, surtout si les travaux ne sont pas encadrés par un professionnel. De plus, elle doit être souscrite avant le début des travaux.

Quand bien même certains seraient au courant de cette responsabilité décennale, ils rechigneraient sans doute à s’assurer car « cela coûte quelques milliers d’euros, pour une opération classique ». Ils devraient pourtant prendre conscience que ce sera toujours moins cher que des frais de réparation ou d’indemnisation, couplés à des frais de justice.

Quelles précautions prendre si vous envisagez, malgré tout, de faire des travaux vous-même ?

  • Identifiez les travaux à risque décennal : tout ce qui touche à la structure, à l'étanchéité, ou aux réseaux (électricité, eau, gaz).

  • Conservez toutes les preuves : plans, matériaux utilisés, photos de l’avancement des travaux, factures, etc.

  • Faites appel à des professionnels certifiés pour les travaux les plus techniques (électricité, toiture, gros œuvre).

  • Anticipez une éventuelle vente : si vous pensez vendre dans les 10 ans, soyez particulièrement vigilant.

  • Envisagez une assurance décennale auto-constructeur : même si elle est difficile à obtenir, elle peut être cruciale en cas de sinistre.

  • Introduisez dans le compromis de vente, une clause destinée à informer l’acheteur que certains travaux ont été réalisés par vous-même, sans intervention de professionnels. Une telle clause n’a qu’une valeur informative, et ne vous exonère pas de votre responsabilité décennale. Elle permet toutefois de jouer la transparence, ce qui est fortement recommandé.

Conclusion

Réaliser soi-même ses travaux peut sembler économique, mais les risques juridiques et financiers sont réels. Si vous vendez votre bien dans les dix ans, vous serez considéré comme un constructeur et devrez assumer les conséquences des malfaçons.

Avant de vous lancer, posez-vous la question suivante : êtes-vous prêt à assumer personnellement un sinistre qui surviendrait 8 ans après la vente de votre maison ?

Pour éviter les mauvaises surprises, informez-vous, assurez-vous, et n’hésitez pas à faire appel à des professionnels.

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Auteur
Jean Claude Larrieste
Source
Article dans Capital
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